Paolo UNIVERSO, La ballade de l’ancien asile

Universo-couv

Après des débuts brillants qui l’amènent à fréquenter les milieux littéraires milanais et à figurer dans le prestigieux Almanacco dello Specchio de Mondadori aux côtés de Paz, Pound, Stefen, Kavafis, etc., Paolo Universo, poète précoce et prolixe renonce à la publication au nom d’une « poésie honnête » (selon l’expression de son aîné et concitoyen Umberto Saba), se vouant alors à une existence littéraire solitaire, excentrique et tourmentée, dont le prix à payer est une condition sociale précaire et la souffrance de voir son humanité niée. Il va donc se tourner vers ceux qui, comme lui, sont des laissés-pour-compte de la modernité – les marginaux, les « fous » – et devenir un personnage dérangeant. Les années 70, marquées à Trieste par la fermeture des hôpitaux psychiatriques sous l’impulsion de la pensée et du travail de Franco Basaglia, vont être à l’origine d’écrits satyriques, notamment la présente Ballata del vecchio manicomio.

De l’œuvre de Paolo Universo,quasi inédite en Italie, il reste quelques milliers de vers, un grand poème en prose intitulé Dalla parte del fuoco et un essai sur l’œuvre de Rimbaud.

Inédit en Italie, La ballade de l’ancien asile, long poème musical (dont Paolo Universo a composé lui-même la musique), a fait l’objet d’une représentation au Teatro Miela de Trieste, les 21-22 Mai 2002, en hommage à l’auteur décédé deux mois plus tôt. Les séquences étaient dites de façon alternée par deux usagers du service de santé mentale de Trieste, formés à la pratique théâtrale et fidèles participants des ateliers d’expression animés par le poète.

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Extrait

 

au beau milieu de l’Hôpital

il y a

la Science

calée dans son fauteuil

avec ses infinies facultés

y’a le Staff médical

y’a le Staff Infirmiers

y’a le statu quo des prisonniers

un arbre au centre

enclos de murs

foulant le bitume

en silence on tourne

souvent tourne aussi le vent…

… tout tourne ici dedans

y’a un portail de fer

… il se ferme

il s’ouvre… ?

allées ombragées

parterres de fleurs

haies hippodromiques

reposent le regard

et en avant – en arrière

en arrière et en avant

Halte !

il était une fois…

… toujours la même histoire

il pleut ?

faut s’ couvrir

de gloire

il y a un Monument avec une face de bronze

une mine patibulaire de lombrosienne mémoire

il y a un Tape-cul qui descend et qui monte

s’il monte il descend pas

s’il descend il remonte

il y a une Villa psychiatrique fermée à clé

de l’intérieur

il y a une étoile qui brille au sommet du clocher

il y a la lune qui tourne

tout autour de son ombre

il y a une Salle d’Anatomie

place d’armes de la Médecine

il y a une vieille cuisine

on dirait le Mausolée de la Faim

il y a une église un peu bizarre

Chrétienne Catatonique Romaine

il y a aussi un nœud coulant

toujours à la dernière mode

il y a une Clepsydre

qui taraude la tête

il y a une fenêtre du dernier cri

il y a un belvédère

avec dernière vue

il manque une liste des morts au champ d’honneur

y’a pas de paix

y’a pas d’échappatoire

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